Entretien avec l’experte en assurance : les impacts d’une pandémie sur la mobilité
Dans une interview, notre experte en assurance Sandra Best explique comment la crise du Coronavirus a affecté les besoins de mobilité de la population suisse.
Sandra, les besoins de mobilité de la population ont-ils changé pendant la pandémie de Coronavirus?
Oui, et même énormément : lorsque le Conseil fédéral a déclaré l’état de « situation extraordinaire » en mars et largement restreint la vie publique, la demande d’assurance automobile s’est également effondrée et fut inférieure de près d’un quart à celle du début de l’année. Cela peut s’expliquer par le fait qu’au début du confinement, personne ne savait combien de temps cette situation exceptionnelle allait durer - les gens avaient simplement d’autres préoccupations et d’autres soucis. Dans un tel contexte, une voiture perd donc inévitablement sa priorité.
Mais cette situation n’a pas perduré?
Non, bien au contraire, nous avons enregistré en mai environ 50 % de demandes de plus qu’en mars pour des assurances automobile. D’une part, il s’agit d’un phénomène saisonnier car les gens sont généralement motivés pour acheter des voitures neuves au printemps et les concessionnaires ont donc à cette période d’excellentes promotions. En outre, le commerce automobile a bien sûr aussi beaucoup souffert ces derniers mois et les prix des véhicules ont parfois fortement baissé. Beaucoup ont profité de cette opportunité pour concrétiser enfin leur souhait et s’offrir une nouvelle voiture ou une nouvelle moto.
Enfin et surtout, les premiers assouplissements des mesures restrictives en mai ont certainement conduit à un besoin encore plus grand de mobilité et de liberté. Mais la peur d’être contaminé en a dissuadé plus d’un d’utiliser les transports en commun. L’alternative était donc d’acheter son propre véhicule. Vous restez ainsi mobile, mais sans vous exposer aux grandes foules.
La nécessité d’être mobile tout en étant protégé des foules présentant un risque potentiel d’infection a considérablement accru l’importance de posséder sa propre voiture.
Qui s’y est particulièrement intéressé ? Avez-vous pu détecter une tendance?
Une augmentation frappante de la demande a été enregistrée chez les femmes âgées de 65 ans et plus - en mai, elle était supérieure de 80 % à celle du mois précédent. Cette augmentation semble à première vue considérable, mais elle est en fait logiquement explicable.
Ces personnes appartiennent au groupe à risque Covid?
Exactement. Dès que les mesures ont été assouplies, de nombreuses personnes âgées ont eu l’envie de sortir - mais comme elles constituent bien sûr toujours un groupe à risque, elles doivent continuer à éviter les transports publics et les gares bondées. Que faire alors si vous habitez à Zurich et que vous souhaitez faire une randonnée à Arosa? Tant que les transports en commun sont tabous, la seule alternative est en fait la voiture.
En d’autres termes, d’une manière générale : moins de transports communs et plus de véhicules privés - n’est-ce pas là une évolution quelque peu discutable? Après tout, ces dernières années, la devise était plutôt de renoncer à la voiture?
Oui et non. D’une part, une telle évolution est bien sûr quelque peu contraire au débat actuel sur le climat. Il faut cependant faire ici une distinction: un véhicule privé n’est pas automatiquement une voiture. Sur la plateforme de petites annonces anibis.ch, par exemple, les recherches de vélos ont augmenté de 200% - et surtout avec un vélo électrique, vous parcourez plus rapidement un trajet que vous ne l’auriez fait en tramway.
En outre, des concepts sont déjà testés pour promouvoir l’abandon des voitures particulières. La ville d’Augsbourg en Allemagne, par exemple, a adopté fin 2019 une sorte d’abonnement forfaitaire pour les transports en commun. En principe, ce système est similaire à l’abonnement général des CFF ou aux tickets de métro régionaux, mais il va plus loin : outre le bus, le tram et le train, il englobe également le covoiturage et la location de vélos. L’idée est que toutes les offres soient disponibles de manière regroupée et que les utilisateurs puissent planifier leurs voyages plus facilement et avec plus de souplesse sans avoir besoin de leur propre véhicule. La manière dont la pandémie affectera la mise en œuvre de ce système est bien sûr encore incertaine, mais les experts allemands y voient un modèle pour l’avenir - et si le projet est un succès, il pourrait être intéressant pour nous aussi.
Néanmoins, avoir sa propre voiture reste un must pour beaucoup.
C’est vrai, mais des solutions respectueuses du climat, telles que les voitures électriques et hybrides, sont désormais disponibles - et elles sont non seulement bonnes pour l’environnement, mais aussi pour le portefeuille, car elles bénéficient souvent de réductions sur les assurances et les taxes sur les véhicules à moteur. Apparemment, de plus en plus de personnes en prennent conscience car une analyse d’AutoScout24 a montré qu’actuellement les recherches de voitures équipées de systèmes de propulsion électroniques sont environ 17 fois plus élevées qu’il y a cinq ans. Et si l’on revient plus loin en arrière, les chiffres deviennent encore plus explicites : selon l’Office fédéral des statistiques, il y a eu en 2019 plus de 28'000 immatriculations de voitures électriques, soit 38 fois plus qu’en 2000. On peut donc certainement parler d’un renversement de tendance.
Absolument - merci beaucoup pour cet entretien instructif.